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Première : le 19 novembre 1960 à l’Opéra de Monte-Carlo
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski
Argument (ou livret) : Alexandre Pouchkine
Décors et costumes : Georges Annenkov
Principaux interprètes : Youly Algaroff (Hermann), Marie Davidova – chanteuse (la Comtesse), Yvonne Meyer (le sept de trèfle), Hélène Sadovska (le trois de cœur), Claire Sombert (Lisa), Catherine Verneuil (l’as de carreau)
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« Dans le ballet La Dame de pique, l’œuvre théâtrale de Pouchkine et de Tchaïkowsky trouve pour la première fois sa forme plastique. A côté des personnages principaux de la pièce qui sont réels, j’ai imaginé et créé trois nouveaux rôles : ce sont trois cartes qui envahissent la pensée du héros, Hermann.
Elles sont réelles et concrètes, mais également irréelles, car elles symbolisent l’idée fixe du héros, son obsession. Le figuratif et l’abstrait se confondent, naturel et surnaturel se mélangent. La danse académique, le caractère populaire et allégorique constituent le vocabulaire chorégraphique de ce ballet, à côté de l’inévitable « jeu réel », le déroulement descriptif de la pièce, qui évoque une époque, la stylise, et la précise.
La Dame de Pique est un ballet, certes, mais en même temps le théâtre absolu. Car ici tous les éléments artistiques, musique, chorégraphie, décors, chant, paroles, s’unissent et se confondent. Ils réagissent « en direct » et provoquent une métamorphose de l’art. »
Serge Lifar, La Danse, Editions Gonthier, Genève, 1965 (p. 180)
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« Enfin, le 15 novembre 1960, à la Salle Pleyel à Paris, s’est déroulée la répétition générale du nouveau ballet de Serge Lifar sur la musique de Tchaïkovsky, une transposition chorégraphique du célèbre opéra, La Dame de Pique. La création mondiale eut lieu quatre jours plus tard à l’Opéra de Monte-Carlo devant le Prince et la Princesse de Monaco.
Serge Lifar a repris dans ce ballet le véritable thème du récit – la passion du jeu à laquelle Hermann sacrifie tout. Son intrigue amoureuse avec Lisa, la nièce de la Comtesse, n’est qu’un moyen pour arriver à découvrir le secret des trois cartes, que cette dernière lui révèle.
Hermann ayant abandonné Lisa, qui de désespoir se jette à l’eau, la vieille Comtesse lui apparaissant après sa mort, se venge en lui faisant perdre au jeu, jusqu’à la raison.
A côté des personnages principaux du livret, qui demeurent réels, Lifar a introduit de nouveaux rôles, ceux des trois cartes à jouer qui, petit à petit, s’emparent de la raison de Hermann en envahissant totalement sa pensée. Dans le ballet ces cartes seront parfois des personnages réels du fait qu’ils prendront une part active au développement du sujet, mais aussi parfois des visions irréelles, lorsqu’elles symbolisent l’idée fixe du héros. Elles permettent ainsi de concrétiser la terrible obsession de ce malheureux et servent de lien entre le surnaturel et la réalité.
L’action se passe successivement : dans le jardin d’Eté de Saint-Pétersbourg, dans la chambre de Lisa, au bal, dans la chambre de la Comtesse, dans une chambre de la caserne, près du pont sur le canal et au mess des officiers.
Pour traiter le sujet, Lifar se sert de toutes les formes de danses : académique, néo-classique, de caractère, populaire… Une place est réservée, aussi à la pantomime. Un seul personnage, cependant, est représenté lyriquement au moyen du chant, celui de la vieille Comtesse.
Cette œuvre est incontestablement une réussite de Lifar. Les scènes d’ensemble sont aussi saisissantes et émouvantes que les pas de deux ou les soli des danseurs.
La scène où le comte Tomsky (un ami de Hermann) rencontre le fiancé de Lisa dans le jardin d’Eté et raconte à Hermann l’histoire de la Comtesse, qui au temps de sa jeunesse a reçu du fameux comte Saint-Germain le secret des trois cartes, est saisissante. Cette scène se passe au fond du théâtre et étonne par l’originalité de sa composition.
Les rencontres de Hermann et de Lisa sont bien émouvantes, et Claire Sombert, qui évoquait la jeune fille, dansait avec tant d’inspiration et de finesse, que le titre d’étoile lui fut acquis définitivement et indiscutablement. Du point de vue technique, ses danses étaient irréprochables et tous ses gestes pleins de grâce et d’expression. Son jeu restait sincère et véridique, sans la moindre exagération ou sans la moindre tendance à un pathétique exagéré. Les scènes dramatiques ne manquaient pas non plus et la plus saisissante était celle de l’ultime explication entre Lisa et Hermann sur le pont. La chorégraphie en est particulièrement intense et traduit l’angoisse de la jeune fille avec la même maestria que la lutte intérieure du cynique Hermann, qui très vite se laisse entraîner par les trois cartes vers la table du jeu, abandonnant son amante aux sombres flots du canal.
Dans le rôle de Hermann, Youly Algaroff, une fois de plus, confirma son très grand talent de danseur et d’artiste.
Le rôle de la vieille Comtesse était interprété par la célèbre cantatrice Marie Davidova. Cette magnifique artiste a chanté et joué son personnage d’une façon tellement saisissante, qu’il est difficile de trouver des éloges suffisants pour exalter son talent. L’air qu’elle chante au retour du bal et la scène avec Hermann, resteront à jamais dans la mémoire de ceux qui ont eu le privilège de la voir.
En parlant du bal, il est important de mentionner que Lifar s’y est permis une modification de la partition de Tchaïkovsky. L’opéra la Dame de Pique n’offrant pas suffisamment de musique pour cette scène qui demande à être développée chorégraphiquement, il y a introduit la valse tirée d’Eugène Onéguine.
Les trois cartes ont été interprétées par Yvonne Meyer (le sept de trèfle), Catherine Verneuil (l’as de carreau), Hélène Sadovska (le trois de cœur).
Les costumes et les éléments de décors furent conçus par Georges Annenkov. »
André Schaikevitch, Serge Lifar et le destin du Ballet de l’Opéra, Editions Richard-Masse, Paris, 1971, pp. 118-119