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Epopée chorégraphique géorgienne en 4 actes
Première : le 5 mai 1946, Nouveau Ballet de Monte-Carlo
Musique : Arthur Honegger (actes 1 et 4), Alexandre Tcherepnine (acte 2), Tibor Harsanyi (acte 3)
Décors et costumes : Constantin Nepo et le Prince Schervachidzé
Direction musicale : Henri Tomasi
Principaux interprètes : Olga Adabache (l'Oiseau Tzetzkly), Youli Algaroff (Tariel), Marcelle Cassini (un Ange), Janine Charrat (la Princesse Tinatine), Yvette Chauviré (la Princesse Nestan Daredjan), Renée Jeanmaire (un Ange), Alexandre Kalioujny (le Chef des Barbares), Lilian Liander (la reine Thamar), Rodzianko (Chota Roustaveli), Wladimir Skouratoff (Avtandril), Boris Traïline (le Léopard)
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« Chota Roustaveli a été et reste pour moi une sorte de lentille où les rayons à la fois convergent et divergent. Convergent dans la mesure où cette chorégraphie a profité de toutes les découvertes antérieures ; divergent parce que, à son tour, elle a servi de base de départ à l’une des périodes que j’aime le mieux.
Chota Roustaveli, dont trois compositeurs ont écrit la musique sur mes propres rythmes (Arthur Honegger, Alexandre Tcherepnine et Tibor Harsanyi) constitue, à tous les points de vue, un déroulement chorégraphique en trois plans, trois ballets en un ou du moins trois éléments regroupés dans un seul triptyque. Dans Chota se synthétisent les danses épiques, le ballet lyrique et les danses de caractère : le classique, le romantique et le populaire. Le beau poème géorgien du Chevalier à la peau de léopard s’y prête parfaitement et même les impose.
L’abstraction, la gravité, le recueillement qui avaient présidé à l’élaboration de Chota Roustaveli – un de mes ballets les plus « fouillés », sans doute parce que le sujet me passionnait et que j’y travaillais à loisir – sont inséparables d’autres œuvres qui lui succédèrent : Dramma per Musica […], Lucifer et Passion.
Après le cycle épique, après celui de la Commedia dell’Arte, après le cycle romantique, puis celui de la danse pure, j’abordai, avec Chota Roustaveli, le domaine d’une danse volontiers abstraite et, « spiritualisée », d’une danse considérée comme la métaphysique du corps. »
Serge Lifar, Le livre de la danse, Les Editions du Journal Musical Français, Paris, 1954, (pp. 197-198)
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« Au lever du rideau, on voit Chota Roustaveli dans une forêt profonde. Il tient à la main un grand rouleau de parchemin et s'absorbe dans la composition d'un poème.
Derrière lui apparaissent Tariel et l'oiseau Tsetzkly, sa muse ; d'où un pas de deux, très lyrique, composé dans un style néo-classique nettement prononcé. Un pas de deux admirablement conçu, dans lequel s'exprime toute la fidélité et la loyauté de l'oiseau mystique envers son compagnon et protégé. La sensibilité du chorégraphe lui a permis de le régler de façon toute différente de celle d'un duo d'amoureux ; mais cette différence, le spectateur la sent plutôt qu'il ne la voit. Puis, c'est l'entrée foudroyante du Léopard, magistralement préparée, suivie du combat de Tariel avec le fauve. C'est une scène extrêmement puissante et très adroitement transposée. Vainqueur, Tariel dépouille son adversaire et se couvre de sa peau, afin de s'en approprier le courage et la force.
L'acte deux se déroule au château d'Avtandril, dans une salle où nous trouvons la princesse Nestan Daredjan. L'action commence par la danse de trois jeunes filles, qui se livrent à des mouvements très lents, harmonieux, de style oriental. Entrent Tariel, porteur d'un énorme parchemin de Chota Roustaveli, et l'oiseau Tsetzkly. Une nouvelle danse d'une conception originale et compliquée est alors exécutée par la princesse Nestan Daredjan, le nouveau venu, l'oiseau et... le rouleau de parchemin, ce dernier permettant au chorégraphe de créer toute une série de poses et de mouvements originaux.
L'entrée d'Avtandril et de la princesse Tinatine, donne lieu à la plus frappante composition chorégraphique de ce tableau. C'est la leçon de danse que prend la châtelaine chez son amie qui vient d'arriver.
Un entraînant divertissement, très gai et d'une sympathique spontanéité, en est le couronnement.
Mais, tout à coup, une apparition grave et majestueuse trouble la fête, celle de la Reine Thamar, suivie de chevaliers armés. Ils annoncent la terrible nouvelle de la guerre. Tariel part précipitamment.
L'acte trois amène le spectateur devant la ville. Une tour se dresse sur l'un des côtés. Dans cette tour est emprisonnée la Reine Thamar, symbole du pays saccagé. Elle paraît à l'une des fenêtres et se lamente en appelant au secours.
A titre d'introduction on voit Chota Roustaveli et Avtandril exécutant une danse guerrière. Une sorte de danse de « libération » , suggérant la victoire finale des Géorgiens.
Puis, d'un côté arrive Tariel, entouré de ses amis, et de l'autre le chef assiégeant suivi de ses guerriers.
Le combat de ces deux chevaliers est conçu dans le style d'une compétition. Ils dansent à tour de rôle, l'un après l'autre, devant leurs partisans respectifs, qui restent observateurs immobiles. Des sauts et des jetés en diagonale, exécutés par les deux adversaires, donnent l'impression d'un véritable combat pour la vie.
Finalement, c'est encore Tariel qui est porté en triomphe et qui libère la malheureuse princesse emprisonnée et, avec elle, le pays entiers.
A la fin une grande apothéose et l'apparition solennelle de la Reine Thamar, portée sur une civière et précédée de deux anges, couronnent cette scène dramatique.
Le quatrième acte se situe à nouveau dans la forêt. Petit à petit, autour de Chota Roustaveli et de l'oiseau Tsetzkly, se rassemblent tous les personnages du ballet et, à nouveau, nous assistons à une apothéose à la tête de laquelle se trouve la Reine Thamar. »
André Schaikevitch, Serge Lifar et le destin du Ballet de l'Opéra, Edition Richard-Masse, Paris, 1971, pp. 144-145