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Ballet en 2 actes
Première : le 22 mai 1931 à l’Opéra de Paris
Musique : Albert Roussel
Argument (ou livret) : Abel Hermant
Décors et costumes : Giorgio de Chirico
Rideau du 2ème acte par Paul Colin
Direction musicale : Philippe Gaubert
Principaux interprètes : Bacchus (Serge Lifar), Thésée (Serge Peretti), Ariane (Olga Spessivtseva)
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« Exécuté par Serge Lifar dans son ballet Bacchus et Ariane sur la musique d’Albert Roussel, décors de G. Chirico, ce saut incompréhensible* souleva l’enthousiasme du public, mais aussi l’inquiétude des machinistes qui demandèrent à l’administration de freiner l’audace du jeune danseur : ils soutenaient, en effet, qui si, en retombant, Lifar posait son pied à faux, il se briserait l’échine. « Mais je ne puis poser le pied à faux ! », répondait le danseur indigné. Le départ d’Olga Spessivtseva mit fin à la discussion, et le ballet, qui n’avait été donné que trois au quatre fois, disparut de l’affiche. C’était, cependant, une des plus belles œuvres de cette période.
Sous leur maquillage blanc, avec leur perruque bouclée, blanche elle aussi, Bacchus et Ariane évoquaient des statues antiques. Bacchus-Lifar portant un maillot bleu, un soleil d’or sur la poitrine, des chaussures bleues à revers, et, dans la variation, des chaussons.
Le labyrinthe était figuré par seize danseuses étendues à terre en zigzags, les jambes levées, traçant ainsi une voie sinueuse. Les danseuses portaient des gants blancs, allusion au fil d’Ariane. Celle-ci, en gants bleus, indiquait le chemin à Thésée en posant un fil imaginaire, ce que les danseuses étendues traduisaient par l’abaissement de leurs jambes, tandis qu’Ariane (Olga Spessivtseva) s’arrêtait en arabesque, les mains croisées sur la poitrine. Seize danseuses, seize arrêts de Spessivtseva, en arabesques différentes d’une beauté remarquable. Le fil étant ainsi disposé, Thésée (Serge Peretti) traversait le labyrinthe entre les danseuses qui, après avoir baissé leurs jambes à son passage, restaient allongées sur le dos. A la sortie du labyrinthe, il se trouvait en face d’Ariane qui l’attendait. Mais Bacchus, jaloux, brouillait le fil (les danseuses levaient de nouveau les jambes). Thésée engageait le combat avec le dragon représenté par une pyramide de vingt-quatre hommes qui tombaient les uns après les autres. Vainqueur, Thésée, après un duo d’amour, laissait Ariane endormie au pied du rocher.
Bacchus la réveillait d’un baiser léger, la consolait du départ de Thésée, et exprimait son dévouement dans une danse d’envol qui révélait son essence aérienne. Il tournoyait, tel un ange aux ailes déployées, et s’inclinait devant Ariane saisie d’amour, puis reprenait son vol comme s’il voulait lui prouver qu’il était dieu. Et Ariane se mettait à danser, elle aussi. Attendrie, elle se ployait, ouvrait sa jambe en un développé que seule Spessivtseva savait rendre beau et pathétique, tournait en pirouettes, puis s’enroulait autour de Bacchus dans un mouvement de ciseaux, et s’abattait telle une biche blessée sur le genou du dieu. Lifar la prenait entre ses bras, la soulevait et l’abaissait tandis qu’elle s’ouvrait en un grand écart que le ballet admit alors pour la première fois. Déjouant les lois de la pesanteur, Bacchus montait en l’air en la berçant. « Il passe en l’air la moitié de sa vie » – disait Paul Valéry – et le pas de deux avec Spessivtseva justifiait ces paroles. Unis dans une tendre étreinte, ils se déplaçaient dans l’air comme si Bacchus, la tenant dans ses bras, marchait sur les nuages. L’envol, soutenu par une brise printanière, les portait vers les sommets du rocher où Bacchus déposait doucement son fardeau. Puis, se détachant du roc, il s’élevait en l’air et traversait la scène dans un saut de six mètres, en traçant une ligne horizontale.
Le tableau suivant s’ouvrait sur l’attente amoureuse d’Ariane, plongée dans le sommeil. Chirico avait peint un rideau représentant une femme géante, aux formes lourdes, mais vêtue comme Spessivtseva, rideau que le public siffla à la vue de la frêle silhouette de Spessivtseva, blottie sur sa couche.
Dans son rêve, Ariane cherche son amant et danse une variation de somnambule. Bacchus arrive, précédé d’une brise qui fait mouvoir les branches entre les mains des danseuses disposées sur la pente de la colline. Il traverse ce bois vivant et reprend son duo avec Ariane, une des plus tendres saltations où Spessivtseva se fait docile entre les bras du jeune dieu. Il gravit la colline avec elle, puis l’abandonne au sommet et disparaît sur un char attelé de panthères, tandis qu’Ariane s’immobilise dans une dernière contemplation du dieu, les bras largement ouverts, le corps renversé. Le char montait très haut en ligne verticale, puis s’éloignait vers le côté.
C’était l’époque de la plus douce collaboration des deux partenaires élus par Diaghilev. Spessivtseva, rebelle à toute chorégraphie schématique et privée d’âme, se laissait entraîner par les créations de Lifar, vision d’un art nouveau, aux formes magiques d’une nouvelle poésie chorégraphique. Le couple paraissait s’élancer d’un même élan vers les rives lointaines du classicisme moderne. »
Serge Lifar rénovateur du ballet français par Jean Laurent et Julie Sazonova, Buchet/Chastel Corrêa, Paris, 1960 (pp. 60-61)
*saut en vol plané traçant une ligne horizontale, le danseur paraissant soutenu par des ailes invisibles