Divertissement

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Ballet en 1 acte

Première : 8 juin 1932 à l’Opéra de Paris

Musique : Piotr Ilyitch Tchaïkovski

Inspiré par la chorégraphie de Marius Petipa

Costumes : Natalia Gontcharova

Direction musicale : Joseph-Eugène Szyfer

Principaux interprètes : Camille Bos (Aurore), Rosita Cérès, Lucienne Lamballe, Serge Lifar (le Prince charmant et l’Oiseau bleu), Suzanne Lorcia (Florine), Serge Peretti

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« Il est souvent difficile, et parfois inutile, d’essayer de définir un spectacle à l’avance. Si ceux qui l’ont ordonné, il est vrai, se sont acquittés correctement de leur mission, leurs intentions doivent être pour ainsi dire flagrantes dès que le rideau se lève.

Pourtant, j’éprouve le besoin d’avouer que le Divertissement que nous allons présenter mercredi à l’Opéra s’carte des données accoutumées du ballet. Peut-être parce qu’au-delà de ce qu’on aperçoit d’ordinaire, il se réfère à un genre que l’on a trop longtemps oublié, et qui tendait, pour certaines raisons, à tomber en désuétude.

Et d’abord, ce Divertissement ne comporte pas d’argument. C’est strictement ce que l’on pourrait appeler un « fait dansant ». Si l’ensemble du corps de ballet, phénomène des plus rares à l’Académie Nationale de Danse, se trouve engagé dans l’action, l’intérêt est tour à tour concentré sur un ou plusieurs éléments, et disséminé, ou pour m’exprimer plus exactement, répandu sur la masse. La virtuosité individuelle alterne donc avec la virtuosité collective.

Deux parties : la première, que j’intitule « grands pas », est une succession de pas et de gestes de danse pure, où s’affirme la grâce de la plus authentique technique classique. C’est un adage suivi de variations, confié à Mlle Rosita Cérès entourée des grands sujets.

La seconde consiste en une série de « numéros » au travers desquels les époques, les types, les caractères sont dessinés par les mêmes moyens classiques. C’est ainsi que j’y évoque l’Oiseau Bleu avec Mlle Suzanne Lorcia ; puis le Prince charmant et la Princesse avec Mlle Camille Bos ; tandis que M. Peretti dans un « Pas de trois » romantique, que Mlle Simoni nous conte l’épisode du Chaperon Rouge, Mlle Lamballe celui des Chats, et que M. Efimoff, dans un « Pas russe », tente une digression plus directement ethnique.

Une mazurka, où tout le monde se donne rendez-vous, constitue le finale, selon la tradition.

Le Divertissement est inspiré nettement de la chorégraphie originale de Marius Petipa.

Je suis heureux d’en saisir le prétexte pour remercier M. Rouché, qui aime notre art et qui nous a donné déjà mainte preuve de cet amour, de m’avoir ainsi témoigné une fois de plus sa confiance. Dans les circonstances délicates que nous traversons, une telle « exaltation » du corps de ballet aux destinées duquel il préside, apparaîtra, j’espère, au public, comme une sanction. Je lui suis en outre particulièrement reconnaissant d’avoir rendu possible en 1932 cet « Hommage à Tchaïkowsky » auquel Serge de Diaghilew songeait dès longtemps, et que la mort l’a empêché de réaliser. En tant que Russe et que danseur, une manifestation de cet ordre à la mémoire du compositeur à qui nous devons le meilleur de notre répertoire me touche doublement. L’orchestre de l’Opéra ne s’y est d’ailleurs pas mépris.

Enfin, si je tiens à citer ici M. J.-E. Szyfer, qui apporte à la direction de l’œuvre son zèle éclectique, je m’en voudrais de ne pas détacher tout particulièrement, dans la distribution, l’admirable danseuse qu’est Mlle Lorcia. On l’a vue dans le Spectre de la rose, ou, après deux répétitions seulement, elle est parvenue à me donner une réplique impeccable ; dans son rôle, où s’étaient illustrées Tamara Karsavina et Olga Spessivtzeva, elle unit au charme le plus émouvant l’élégance de l’attitude, la spontanéité, la liberté du rythme. On la reverra dans le Divertissement…et je n’en dis pas plus. »

Serge Lifar in Paris-soir, 5 juin 1932, p. 6