George Balanchine
«George Balanchine, dans ses chorégraphies, évitait les positions académiques, ce qui éloignait ses œuvres des canons classiques, vraisemblablement à la suite de l’influence qu’il avait subie dans sa jeunesse des tendances acrobatiques de son maître Goleizowsky, à Leningrad. L’apport de Balanchine au ballet contemporain en Amérique est incontestable. Sa riche imagination créatrice était inépuisable et précieuse, mais uniquement pour la danse féminine…»
Serge Lifar, Les Mémoires d’Icare, 1989
Serge Diaghilev
«Serge Diaghilev était l’art lui-même, avec sa faculté de changer la vie, de transmuter la réalité. Il était l’inventeur et celui que nous rêvions d’avoir pour maître. Nous ne le connaissions pas, nous vivions de sa légende qui frissonnait alors à travers le monde. Et maintenant il se tenait près de nous. Diaghilev s’assit, et quand il eut parlé quelques secondes, le trouble que j’éprouvais et qui m’empêchait de rien comprendre à ses paroles fondit à la lumière de ses yeux étrangement clairs et jeunes. Maintenant il nous faisait parler. Il nous demandait nos impressions d’un pays que nous venions à peine de quitter et qui nous semblait déjà de l’autre côté du monde. Cependant que nous lui parlions d’une patrie qui lui était devenue inaccessible, il restait immobile, le visage assombri, le regard perdu au loin, au-delà des barbelés de la frontière soviétique…»
Serge Lifar, Ma vie, 1965
Jean Cocteau
«Souvent, j’ai rencontré Cocteau au Ritz où il passait, avant la guerre, des mois comme invité de Coco Chanel, et aussi à La Pausa dans la propriété de Chanel près de Menton, au bord de la Méditerranée où il a vécu dans la brume de l’opium…»
Serge Lifar, Les Mémoires d’Icare, 1989
Coco Chanel
«Je ne craignais rien chez Coco Chanel où j’étais hébergé et nourri, dans la seule maison de Paris qui m’accueillit et peut-être me sauvât car j’étais partout indésirable, une sorte de mort-vivant.»
Serge Lifar, Ma vie, 1965
Greta Garbo
«Greta Garbo, que j’ai bien connue, et follement admirée… Le destin me la fit rencontrer à nouveau en 1949, alors qu’elle était de passage à Paris. Elle était invitée dans ma loge à l’Opéra, et son enthousiasme pour la danse m’avait fait chaud au cœur…»
Serge Lifar, Les Mémoires d’Icare, 1989
Pablo Picasso
«C’est à Paris, en 1923, que j’ai vu Picasso pour la première fois. Ils étaient plusieurs autour de Diaghilev sur la scène du Théâtre de la Gaieté Lyrique. L’année suivante, Picasso est de nouveau dans le cénacle olympien des Ballets russes. Diaghilev, Picasso, Stravinsky, Prokofiev, Juan Gris, Poulenc, Cocteau, Marie Laurencin étaient tous réunis sur la scène du théâtre Mogador. (…) En montrant son esquisse pour les rideaux du Train Bleu de Darius Milhaud, Picasso a ébloui l’assistance puis, me fixant de ses yeux couleur prune et charbon ardent, Picasso «le Sorcier» chuchota à Diaghilev: «Regarde ce danseur, il a les formes classiques…il sera ton danseur.» Mon cœur palpita, je rougissais de ma timidité, Picasso devint mon «parrain». Je suis entré dans l’arène de la vie et, dès ce moment, durant toute ma vie, j’ai eu le privilège d’être admis de l’artiste et d’être son ami.»
Serge Lifar, Mon hommage à Pablo Picasso, ce sorcier divin
«Dès lors, je fus admis dans la famille de Picasso et j’allais fréquemment avec Diaghilev jusqu’à son appartement-atelier de la rue de la Boétie, où Picasso aimait nous montrer ses compositions encore inachevées et humides. Il était d’une curiosité insatiable et voulait toujours être au courant de tout ce qui se passait dans la compagnie. Olga, la femme du peintre, avait travaillé la danse et était entrée dans la troupe de Diaghilev, où elle rencontra Picasso, arrivé à Rome sur l’invitation de Diaghilev pour faire les décors du ballet de Cocteau et de Satie, Parade…»
Serge Lifar, Les Mémoires d’Icare, 1989
«Quant au génie créateur de Picasso, c’est l’essence même de la vie. En lui, il y a cette puissance instinctive du mouvement perpétuel qui jaillit de son for intérieur et qui s’intègre dans les formes et les couleurs, où toute logique est bouleversée par la négation des lois de la normalité et où se forme et prend naissance le monde nouveau dans sa vérité artistique. Picasso transforme et transfigure le présent et le réel (…) Chaque fois que j’ai visité ses ateliers, rue de La Boétie ou quai des Grands-Augustins, à la Californie, ou à Notre-Dame-de-la Vie, j’ai toujours trouvé une atmosphère de couvent ou de cathédrale, où la magie de ce nouveau Faust m’a constamment ébloui. (…) Toujours svelte, athlétique, gai, moqueur et timide, extraordinairement jeune, Picasso est un génial paysan qui vit tout naturellement dans le folklore, sans aucune prétention scientifique, ni théorique…»
Serge Lifar, Ma vie, 1965
Igor Stravinsky
«La première fois que je rencontrais Igor Stravinsky dans la salle de répétition basse, sombre et humide, des Ballets Russes, je fus étonné par son aspect maigre, voûté, son crâne un peu chauve, son grand front intelligent, ses lourdes lunettes de corne – surtout ses grandes «pattes de musicien». Quel est ce singe? pensais-je. Car il s’agitait, martyrisait le clavier, soufflait, remplaçait les accords manqués par des coups de pied sur la pédale, ou des coups de coude sur les touches pour maintenir le tempo. C’était fascinant. Parfois il s’arrêtait soudain, puis la tempête des sons reprenait de plus belle. C’était miraculeux, diabolique, très russe aussi… Par la suite je visitais souvent Stravinsky, soit à Nice, soit à Paris, rue Saint-Honoré, soit à Londres, rue d’Albemarle. Le plus frappant chez lui, c’était un cachet bourgeois, mystique, et aussi monarchique – avec, accrochés aux murs, les icônes et les portraits du tzar Nicolas II et de ses augustes enfants…»
Serge lifar, Ma vie, 1965
«Les répétitions de Noces se passaient sous le contrôle et même la direction du compositeur, Igor Stravinsky. Pour commencer, il se contentait de donner quelques indications d’ordre général, puis, peu à peu, il s’enflammait, ôtait son veston, se mettait lui-même au piano et jouait à perdre haleine. Tout en jouant, il chantait d’une voix fêlée, désagréable au possible. Mais cela n’avait rien de comique – sa flamme se communiquait à nous et alors nous commencions à danser vraiment au lieu d’esquisser une répétition.»
Serge Lifar, A l’aube de mon destin chez Diaghilew, 1949
Arthur Honegger
«Arthur Honegger se montra (dans Giselle) non seulement le plus diligent des amis mais l’artiste le plus compréhensif, le plus éclairé, le plus désintéressé, le plus décidé à aller de l’avant pour l’art lui-même. A cette occasion est née la musique concrète. Nous travaillâmes alors en étroite communion, comme de joyeux complices…»
Serge Lifar, Ma vie, 1965
Lillan Ahlefeld-Laurvig
«Lillan Ahlefeld-Laurvig, la comtesse au cœur d’or et à l’âme pure, ma muse spirituelle et amie fidèle dans toutes les circonstances…»
Serge Lifar, Les Mémoires d’Icare, 1989