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Ballet en 3 actes
Première : le 26 avril 1947 à l’Opéra de Monte-Carlo
Musique : Jeanne Leleu
Argument (ou livret) : René Dumesnil
Décors et costumes : Constantin Nepo
Direction musicale : Henri Tomasi
Principaux interprètes : Youly Algaroff (Nautéos), Cassini (Eurystée), Yvette Chauviré (Leucothéa), M. Madejski (Pisandre)
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Reprise le 12 juillet 1954 à l’Opéra de Paris
Décors et costumes : Yves Brayer
Direction musicale : Louis Fourestier
Principaux interprètes : Raoul Bari (un Triton), Max Bozzoni (Pisandre), Yvette Chauviré (Leucothéa), Raymond Franchetti (un Triton), Jacques Jodel (le Berger), Madeleine Lafon (Eurystée), Michel Renault (Nautéos)
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« Nautéos, une des importantes créations lifariennes de la Saison de Monte-Carlo 1947, fut réalisé sur la musique de Jeanne Leleu, décors de Nepo, d’après le livret de René Dumesnil, basé sur une ancienne légende grecque. Il entra en 1954 au répertoire de l’Opéra avec les décors d’Yves Brayer.
Le livret de René Dumesnil se situe sur deux plans, comme ceux de La Sylphide, de Giselle et de la plupart des ballets romantiques : le monde du rêve et du fantastique (ici celui des Tritons et des Néréides) et la vie terrestre, réelle, d’un village où les paysans accueillent le jeune Nautéos. Les amours d’une fille de la mer et d’un mortel nous sont familières depuis La Loréléi, et la Petite Sirène d’Andersen. Que la plus noble des Néréides soit séduite par la beauté de Nautéos, dont le navire s’est brisé sur les rochers par la tempête, et lui passe autour du cou un collier symbolique, nacré comme l’écume, cela n’est pas sans nous rappeler les amours de la Petite Sirène pour son beau Prince.
Au lever du rideau, la scène était vide. On apercevait derrière les rochers l’épave d’un vaisseau naufragé. S’agrippant péniblement aux rochers, un homme tombait épuisé sur le rivage. Curieux comme des enfants, Tritons et Néréides s’assemblaient, sautant et tournant. Une des Néréides, la belle Leucothéa (Yvette Chauviré), assistée par deux Tritons (Bari et Franchetti), portait secours à Nautéos et essayait de le séduire par sa danse.
Cambrée dans son maillot bleu collant, portant une couronne en corails, le corps flexible, ses bras exécutant les mouvements onduleux d’un poisson, les doigts serrés, Yvette Chauviré dansait son naissant amour de l’homme : l’orgueil et la passion, la nature hautaine et froide d’une habitante des eaux s’alliaient à la tendresse nouvelle qu’elle sentait avec quelque étonnement surgir en elle. Émerveillé, Nautéos (Michel Renault) suivait du regard cette danse langoureuse aux tournoiements légers, au pas de bourrée comme portant la Néréide sur les ondes ; et, ranimé, il s’unissait à elle dans un adagio d’abord timide, puis prenant de l’envol. Avant de s’enfuir à l’approche des hommes, elle lui passait autour du cou un collier de perles rares qu’il cachait soigneusement sous sa chemise. Un berger solitaire jouant de la flûte (Jodel) apercevait Nautéos et appelait les paysans qui entraînaient le naufragé avec eux, ce qui terminait le premier tableau.
Conduit au village, où il se joignait à la ronde paysanne, Nautéos oubliait la Néréide et se fiançait avec la jeune Eurystée ; mais en butte aux accusations de son rival, le vigoureux Pisandre (Bozzoni) montrait le collier, et était fêté comme le protégé des dieux. Trahissant l’amour de la Néréide, il allait jusqu’à passer le cadeau de la fille des mers au cou de sa fiancée. Le tableau champêtre, joyeux et simple, se déroulait en pleine campagne fleurie, et se terminait sur une danse générale. Aujourd’hui, cette pastorale est interprétée dans le même décor que le premier tableau pour ne pas rompre l’action dramatique.
Au troisième tableau, Nautéos emmenait sa fiancée sur les lieux même de son naufrage. Il la portait sur son épaule dans un adagio amoureux, et leur tendre pas de deux provoquait l’apparition menaçante de la Néréide outragée. Dans une ravissante danse d’amour courroucé, son corps devenu rigide, son geste impératif, la tête dressée, le regard hautain, Leucothéa-Chauviré réclamait vengeance. Désunis par les Tritons accourus, tenus par des mains inflexibles, les deux amoureux frôlaient la mort, lorsque Nautéos rompait le sortilège en rendant le collier. La Néréide au cœur de femme cédait à son amour et d’un geste souverain laissait partir le couple. Tandis que le divin Nérée sorti des rochers la prenait sous sa protection, elle se replongeait dans sa solitude. Au quatrième tableau, on fêtait les mariés auxquels la Néréide apparue promettait son aide.
Ce beau ballet, qui témoignait le retour du choréauteur aux thèmes de l’antiquité, était composé alternativement de lumière et d’ombre. L’action se terminait dans la gaieté générale, les dieux courroucés devenus les protecteurs des amants unis.
Nautéos annonçait Les Noces Fantastiques, montées en 1955, où le thème devenait tragique. »
Serge Lifar rénovateur du ballet français par Jean Laurent et Julie Sazonova, Buchet/Chastel Corrêa, Paris, 1960 (pp. 188-189)