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Ballet en 1 acte d’après les Fables de La Fontaine
Première : le 8 août 1942 au Palais Garnier
Musique : Francis Poulenc
Argument (ou livret) : Francis Poulenc
Décors et costumes : Maurice Brianchon
Direction musicale : Roger Désormière
Principaux interprètes : Yvette Chauviré (Elmire), Nicolas Efimoff (L’Ours, le Bûcheron), Serge Lifar (le Lion, le Coq noir), Suzanne Lorcia (la Cigale, la Mort), Serge Peretti (le Coq blanc), Solange Schwarz (la Fourmi, la Poule)
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« C’est une grande joie pour moi que de collaborer avec Francis Poulenc, dont les Biches ont fait aux ballets russes de Diaghilev la carrière que l’on sait.
Le nouveau ballet de Francis Poulenc s’intitule : « les Animaux modèles » et emprunte son sujet aux fables de La Fontaine. La Fontaine et Poulenc – un rapprochement curieux à faire et qui méritait d’être fait : chez l’un comme chez l’autre, on trouve la même bonhomie candide, la même rondeur, le même lyrisme pastoral et finement nuancé.
Les fables de La Fontaine diffèrent des autres fables par ce qu’elles sont de véritables petits drames en raccourci des actions généralement spectaculaires et expressives, à tel point que l’on peut être surpris qu’elles n’eussent encore séduit aucun choréauteur surtout au moment de la vogue des « histoires naturelles ». La version qui sera présentée aujourd’hui différera totalement de ces « histoires naturelles » d’après l’autre guerre. Ce sera une véritable « paysannerie » du dix-septième siècle, les ébats d’une bande de villageois servant de cadre à une succession de petits drames joués par des animaux, vêtus de costumes d’époque et caractérisés seulement au moyen de quelques accessoires. Ce sera une réalisation chorégraphique des fables de La Fontaine, telle qu’on aurait pu la concevoir de son vivant.
Au lever de rideau il y a une entrée de paysans qui se retirent aux champs et cèdent la scène à quelques épisodes d’une « ample comédie à cent actes divers et dont la scène est l’Univers ».
Pour commencer, voici « L’ours et les deux compagnons », sans la morale bien entendu, car allez donc exprimer par la danse une phrase comme :
…Il m’a dit qu’il ne faut jamais vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait
mis par terre.
Viennent ensuite « La Cigale et la Fourmi », une cigale très dansante s’opposant à une fourmi laborieuse et acariâtre, qui la laisse partir à jeun, armée de son violon ; puis la plus « humaine » de ces fables, celle que La Motte dans son discours traitait d’« image vicieuse, supposition ridicule, prodige absurde » - « Le Lion amoureux ». Cette fois-ci, des humains, des bourgeois interviennent dans l’action – le père de la fable est figuré par l’un d’eux, la jeune fille, que nous appellerons Elmire, est également dansée par une jeune bourgeoise. Sa tristesse est naturaliste, alors que jusque-là les sentiments des divers personnages, sauf les paysans, étaient purement conventionnels. En général, ce tableau est le plus pathétique et le plus réaliste de tous.
Les trois autres épisodes sont constitués par « l’Homme entre deux âges et ses deux maîtresses », « La Mort et le bûcheron », « Les deux coqs ». Après la rivalité des deux coqs et le départ des poules, les paysans reviennent en scène et se mettent à table…
« Les Animaux modèles » n’est pas un ballet d’action, mais un véritable, un franc divertissement, une suite de petits ballets. Autant le divertissement est haïssable quand il prétend être un « ballet » et, en réalité, ne constitue pas autre chose qu’une sorte de mosaïque, où se succèdent des « numéros » de pantomime pure et de danse inexpressive, comme cela est arrivé bien souvent à la fin du dix-neuvième siècle, autant il est légitime lorsqu’il ne veut être qu’une suite de danses et mettre en valeur toutes les ressources de la danse pure et de la technique académique, dans un procédé que l’on pourrait comparer à celui de la suite symphonique exempte de base d’inspiration d’origine littéraire.
La chorégraphie des « Animaux modèles » s’attache à souligner par la danse leur stylisation, inspirée des spectacles du dix-septième siècle.
Elle repose sur des bases rigoureusement académiques, son vocabulaire est essentiellement constitué par la quatrième position des jambes, la cinquième des bras, la petite batterie et la batterie « terre à terre ». Les poses des personnages sont en général, très larges, très majestueuses, très « Louis XIV ». D’autre part, pour caractériser les différents animaux, j’ai employé un procédé voisin de celui qui m’a servi à caractériser, chorégraphiquement, les Biches dans « Le Chevalier et la Damoiselle », par la seule position des mains des danseuses. Chaque animal, en plus de son accessoire vestimentaire, a une sorte d’accessoire chorégraphique, toujours le même, qui sert à définir son espèce.
Les décors et les costumes de ce ballet sont de M. Brianchon, et c’est tout dire, surtout depuis la réussite de « Sylvia ».
Ce divertissement des « Animaux modèles » plein d’ironie et de gaité, sera le point final d’une saison de danse particulièrement féconde, au Théâtre National de l’Opéra, puisqu’elle aura vu la création de « Boléro » et « d’Istar », la reprise des « Deux pigeons » et, tout dernièrement, la création de « Joan de Zarissa ». »
Les Animaux modèles par Serge Lifar, in Comœdia, 8 août 1942, p.5